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Publié le: 20/11/2023

Photo by Pedro Forester Da Silva on Unsplash

Auteurs: Barbara Schreiner, directrice exécutive, Water Integrity Network; Tim Brewer, Water Witness International; Patrick Moriarty, IRC, Catarina Fonseca, IRC, Mary Galvin, Water Integrity Network. Publié initialement  par Water Integrity Network (WIN)

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Dans un blog précédent, nous avons affirmé qu'il était peu probable que le financement mixte ('blended finance') permette de combler le déficit de financement dans les secteurs de l'eau et de l'assainissement. En effet, le manque d'intérêt des investisseurs, l'espace fiscal limité dans les pays pauvres en particulier, et les risques liés aux prêts en devises étrangères, limitent les possibilités pour ce genre de financement pourtant toujours mis en avant.

Dans ce blog, nous examinons les options permettant de réduire le déficit de financement par une meilleure utilisation des fonds existants. Verser plus d'eau dans un seau percé est une politique qui parait contestable. La priorité devrait être d'utiliser les fonds existants de manière efficace et efficiente, avant de rechercher d'autres options de financement, qui pourraient s'avérer risquées

Sommes-nous en train de budgétiser la corruption et la mauvaise gestion ?

Des calculs du déficit global de financement ont été effectués sur la base des coûts historiques, par exemple par Hutton and Varghese in 2016. Ces chercheurs ont examiné les données, validé les coûts d'infrastructure pour les plus grands pays, extrapolé les données de coûts de pays similaires pour ceux qui ne disposaient pas de données, puis projeté ces coûts pour répondre aux besoins du secteur.

Ces analyses de coûts historiques constituent une référence utile, mais elles incluent les coûts cachés de la corruption et de la mauvaise gestion. En réduisant ces coûts cachés, nous pourrions réduire de manière substantielle le déficit de financement, et ainsi améliorer la viabilité financière et opérationnelle globale du secteur.
Les coûts de la corruption sont particulièrement difficiles à quantifier - les participants à des transactions corrompues sont après tous peu à même de faire grand bruit de leurs activités. WIN, en partenariat avec la Banque interaméricaine de développement, a néanmoins identifié des coûts financiers liés à la corruption allant jusqu'à 26 % dans le secteur de l'eau en Amérique latine. L'ONUDC cite des chiffres allant jusqu'à 25 % des fonds publics en général.

Il s'agit là d'une part étonnamment importante de l'investissement total. Et encore, les recherches menées par le Fonds monétaire international (FMI) révèlent des chiffres encore plus élevés, faisant état d'un gaspillage de 30 à 50 % des fonds destinés aux infrastructures (pas seulement dans le domaine de l'eau et de l'assainissement) en raison d'une mauvaise gestion. Le message du FMI est clair : "les pays peuvent mettre fin au gaspillage des investissements publics et créer des infrastructures de qualité en prenant des mesures spécifiques pour améliorer la gouvernance des infrastructures".

Mauvaise gestion et eau non facturée

La mauvaise gestion peut être mesurée de différentes manières. Dans le secteur de l'eau, l'une d'entre elles est évidente : l'eau non facturée. Les niveaux d'eau non facturée varient considérablement dans le monde, mais la plupart des professionnels de l'eau reconnaissent qu'il s'agit d'un problème important auquel il faut s'attaquer. En Afrique, par exemple, les estimations de l'eau non facturée varient de 29 % en Ouganda à 73 % au Libéria. Il s'agit à la fois de pertes d'eau physiques et de pertes financières dues à la corruption, au vol, à une mauvaise facturation et à un mauvais recouvrement des recettes.

Les deux formes de pertes en eau ne sont pas indépendantes. Les pertes financières minent les budgets d'entretien et de mise en conformité, ce qui entraîne une augmentation des pertes physiques et d'autres pertes financières. C'est un cercle vicieux qui mine les services et les prestataires de services d'eau. C'est pourquoi la réforme dans ce domaine peut être un puissant accélérateur de progrès avec des effets bénéfiques cumulés. Les fonds supplémentaires collectés pour la mise en conformité et l'entretien généreront plus de revenus et réduiront les coûts opérationnels, et inversement, les infrastructures physiques bien entretenues tomberont en panne moins fréquemment et moins gravement.

Une meilleure gestion des infrastructures et l'amélioration des systèmes de collecte des recettes, avec des tarifs convenablement définis pour protéger les pauvres, contribueront grandement à rendre la prestation de services d'eau plus viable sur le plan financier. Il s'agit d'une étape cruciale vers un accès aux services d'eau et d'assainissement plus abordable et durable.

 

La ville de Jackson, dans le Mississippi, par exemple, n'était pas en mesure d'émettre des factures précises en temps voulu, et ses procédures d'identification des factures non-payées étaient lentes. Le fournisseur d'eau a adopté un système capable d'améliorer la facturation, ce qui a permis d'accroître ses recettes de 10 millions de dollars par an.

Le déficit de financement serait beaucoup moins important si nous n'intégrions pas les coûts de la corruption et de la mauvaise gestion dans nos calculs, et si nous ne permettions pas que ses coûts s'accumulent dans nos projets.

l semble raisonnable de donner la priorité à la réduction de la corruption et à l'amélioration de la gestion des infrastructures.

 

 

  

L'Echec sur les dépenses par rapport au budget

La réduction de la corruption et l'amélioration de la gouvernance et de la gestion ne résoudront certainement pas tous les problèmes. Le secteur de l'eau n'a pour l'instant pas encore la capacité (ni peut-être la volonté) de dépenser les maigres budgets existants. La Banque mondiale a constaté que les taux d'exécution des budgets publics consacrés à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène dans un certain nombre de pays étaient de l'ordre de 70 % seulement. En d'autres termes, dans un secteur qui réclame plus d'argent, 30 % des budgets WASH existants n'ont pas été dépensés à la fin de l'exercice financier ! La lourdeur des systèmes financiers publics centralisés fait que les fonds n'arrivent parfois que quelques mois avant la clôture de l'exercice fiscal. Les contrats ne sont alors pas attribués et le travail n'est pas effectué comme prévu. Il est difficile de plaider pour davantage de ressources, publiques ou privées, si le secteur ne dépense pas l'argent dont il dispose.

Des subventions mal ciblées

Pour compliquer les choses, les aides publiques n'atteignent pas toujours ceux qui en ont le plus besoin. Une autre étude de la Banque mondiale a révélé que, dans dix pays à revenu faible ou intermédiaire, près de 60 % des subventions vont aux résidents les plus riches. La banque estime que plus de 300 milliards de dollars de subventions par an ne sont pas utilisés pour répondre à des besoins urgents, c'est-à-dire pour étendre et maintenir les services aux communautés pauvres et marginalisées.

En bref : les fournisseurs de services d'eau et d'assainissement ne parviennent pas à collecter l'argent qui leur est dû. Ils ne dépensent pas l'argent dont ils disposent. Et ils ne parviennent pas à endiguer la corruption et la mauvaise gestion qui entraînent le gaspillage d'une grande partie des fonds existants.

Et ceux qui ne sont mêmes pas sur le radar

La plupart de ces discussions portent sur la fourniture formalisé d'eau et d'assainissement, par l'intermédiaire des services publics, des municipalités ou des agences gouvernementales. Les systèmes de distribution informels et communautaires, qui ne figurent pas dans les budgets publics sont laissés pour compte et ont d'autres problèmes. Tant qu'ils restent informels, ils sont proie à la corruption et la mauvaise gestion, avec peu ou pas d'outils réglementaires pour les protéger.

Alors, que faire ?

Le message est simple. Avant de demander plus d'argent, nous devons réparer notre seau percé. Nous devons donner la priorité à une meilleure utilisation des ressources existantes et, pour ce faire, nous avons besoin d'investissements ciblés et d'engagement. Les priorités sont :

  1. Que les gouvernements, les banque de développement, et les donateurs investissent davantage dans l'amélioration des systèmes de collecte des recettes, ainsi que dans la capacité opérationnelle des prestataires de service, des municipalités et des ministères.
  2. Que les prestataires de services et les agences de règlementation intègrent de solides mécanismes de lutte contre la corruption dans leurs systèmes.
  3. Que tous soutiennent une nouvelle vision du financement du secteur, axée sur l'intégrité et l'utilisation optimale des ressources existantes, pour servir d'abord les plus marginalisés.

Les connaissances techniques sur la manière de réaliser une grande partie de ces objectifs existent déjà. Ce qui fait défaut, c'est la volonté politique (de conduire les réformes) et la capacité technique (de les mettre en œuvre). Seule une action intentionnelle de la part de coalitions de gouvernements nationaux et locaux, de la société civile et des prestataires de services permettra de réaliser ce type de renforcer le secteur de façon systématique. Une telle action nécessitera également un leadership politique.

Changer une culture caractérisée par la corruption implique de supprimer les incitations à la corruption et l'acceptation tacite de la "façon de faire". La responsabilité et la redevabilité sont primordiales et doivent être encouragées par les plus hautes sphères politiques, soutenues par les acteurs du secteur et la société civile, et fortifiées par un examen publique.

Il est vrai que même si nous réduisons les niveaux de corruption, de mauvaise gestion et d'eau non facturée, nous aurons toujours du mal à répondre aux besoins de tous. Néanmoins, pour avoir une chance d'atteindre nos objectifs et d'attirer davantage d'investissements (qu'ils soient publics ou privés), nous devons commencer là, miser sur l'efficacité, et réparer les trous !

 


 

Crédit image : Photo de Pedro Forester Da Silva sur Unsplash

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